APERCU ET PROCEDURE D’AUDITION
Avant l’entrée en vigueur de l’art. 42c de la Loi sur la surveillance des marchés financiers du 22 juin 2007 (« LFINMA »), l’ensemble des transmissions d’informations destinées à être communiquées aux autorités étrangères par un assujetti tombaient, dans la plupart des cas, sous le coup de l’art. 271 du Code Pénal, relatif aux actes exécutés sans droit en faveur d’un Etat étranger. Les assujettis sont, depuis l’entrée en vigueur de l’art. 42c LFINMA le 1er janvier 2016, exemptés de l’obligation de posséder une autorisation officielle si les conditions qu’il pose sont respectées.
L’échange d’informations non publiques avec les autorités de surveillance des marchés financiers est régi par les art. 42 et suivants LFINMA. En règle générale, cette tâche incombe aux autorités et s’effectue dans le cadre de l’assistance administrative internationale entre les autorités de surveillance des marchés financiers. Néanmoins, la transmission de données de la part des assujettis eux-mêmes est donc désormais possible.
En effet, les établissements assujettis à la surveillance FINMA ont la possibilité de transmettre, de manière directe, et à des conditions bien particulières sans avertir la FINMA, des informations non publiques tout en respectant certaines conditions.
C’est dans ce contexte que la FINMA a élaboré un projet de Circulaire 2017/xx « Transmission directe – Transmission directe d’informations non publiques à des autorités et services étrangers par des assujettis » (« Circulaire ») dont le but est de préciser l’art. 42c LFINMA, tout en fournissant une orientation aux assujettis, faciliter la transmission des données, délimiter le champ d’application de la disposition et enfin, de concrétiser la communication des faits dits « importants ».
La FINMA a ouvert une procédure d’audition concernant le projet de Circulaire, laquelle durera jusqu’en septembre 2016[1].
Champ d’application et but
Champ d’application
La Circulaire porte sur l’art. 42c al. 1 à 4 LFINMA. Elle vise l’ensemble des assujettis à la surveillance de la FINMA, au sens de l’art. 3 LFINMA.
Le terme d’assujetti est en outre défini par la Circulaire elle-même.
Elle s’applique aux transmissions d’informations par des assujettis, qui ne sont pas accessibles au public.
La Circulaire ne concerne que les transmissions d’informations transfrontières, à savoir depuis la Suisse vers l’étranger, au regard de l’art. 42c LFINMA. Dans l’hypothèse où des représentants d’une autorité étrangère se trouveraient sur le territoire suisse, l’art.42c LFINMA deviendrait alors inapplicable et c’est l’art. 43 LFINMA, non-visée par la Circulaire, qui servirait de base légale[2].
But
La Circulaire a pour but la concrétisation des conditions que les assujettis doivent remplir avant de procéder à la transmission d’informations non publiques à des autorités étrangères[3].
Le but de la Circulaire est de créer un appui pour les assujettis leur permettant d’être guidé de manière adéquate lors de la transmission des informations et que ces derniers s’exécutent de la manière la plus autonome possible.
La Circulaire délimite en outre de manière plus concrète le champ d’application de l’art. 42c al. 1 et 2 LFINMA relatifs aux conditions d’une transmission d’informations, ce que la FINMA souhaite concrétiser à travers la Circulaire.
Marge de manœuvre des Assujettis
Les nouvelles règles introduites par l’art. 42c LFINMA instaurent une plus grand marge de manœuvre pour les assujettis, mais également plus de responsabilités pour ces derniers lors de la transmission d’informations.
En effet, l’art. 42c LFINMA instaure des règles et délimitations très larges, qui doivent être précisées autant que possible afin d’en assurer la bonne application.
Notamment, plusieurs termes cités à l’art. 42c LFINMA se doivent d’être définis afin que l’assujetti puisse comprendre le sens et ainsi exécuter sans fautes une transmission d’informations. A ce titre, la Circulaire définit les termes suivants[4] :
- Assujettis ;
- Autres services étrangers chargés de la surveillance ;
- Clients ;
- Tiers ; et
- Transmission d’informations.
A ce titre, l’art. 42c al. 2 LFINMA prévoit que « […] si les droits des clients et des tiers sont garantis, [l’assujetti] peut transmettre à des autorités étrangères et aux services mandatés par celles-ci des informations qui ne sont pas publiques et qui se rapportent à des opérations réalisées par des clients et des assujettis ». Cet alinéa élargit le champ d’application de l’alinéa 1 de l’art. 42c LFINMA lequel instaure les bases selon lesquels l’assujetti peut transmettre des informations à une autorité étrangère. Néanmoins, selon la Circulaire, l’art. 42c al. 2 LFINMA élargi le champ d’application de l’alinéa 1 de cette même disposition mais lui est également subsidiaire. En effet, la FINMA indique qu’une information ne peut être transmise sur la base de l’art. 42c al. 2 LFINMA que lorsque les conditions prévues par cet alinéa sont remplies et que la transmission sur la base de l’alinéa 1 n’est pas possible[5].
La Circulaire, en définissant les termes importants, ainsi que l’interprétation de la loi, aura pour but de faciliter la tâche de l’assujetti mais charge, de manière parallèle, ce dernier d’une responsabilité plus accrue. La responsabilité des assujettis est également mise en œuvre dans le cadre de la protection des clients et des tiers.
Protection des Clients et des Tiers
Les droits des clients et des tiers doivent en tout temps être garantis lors de chaque transmission d’informations. Cette protection découle de l’art. 42c al. 1 lit. b LFINMA.
A ce titre, la Circulaire reste relativement muette à ce sujet. Elle indique toutefois que le secret bancaire, les droits découlant des rapports de travail et de protection des données doivent être respectés. La Circulaire laisse finalement entendre que les mesures de protection doivent être prises au cas par cas, mais que le respect des conditions légales de la prise des mesures incombe aux assujettis[6].
Néanmoins, la FINMA a publié, en date du 7 juillet 2016, un rapport explicatif relatif à la Circulaire (« Rapport Explicatif »). Il a pour but de commenter et de fournir un appui à la Circulaire.
Le Rapport Explicatif aborde également la question de la garantie des droits des clients et des tiers et cite des exemples applicables permettant de faire respecter les exigences légales relatives à la prise de mesures de protection de la part des assujettis. A titre d’exemple, le Rapport Explicatif[7] cite :
- l’obtention de l’autorisation de la part des clients ou des tiers concernés quant à la transmission des informations ;
- la possibilité de caviarder les passages contenant des indications permettant d’identifier les clients ou les tiers concernés.
Le Rapport Explicatif confirme également que l’application des mesures de protection relève exclusivement de la responsabilité des assujettis eux-mêmes[8].
La FINMA va même plus loin dans la responsabilisation des assujettis et indique que « [e]n réponse à la déclaration d’une transmission envisagée, la FINMA ne donnera aucune confirmation selon laquelle les droits des clients et des tiers sont garantis »[9].
Principes de Spécialité et de Confidentialité
Les principes de spécialité et de confidentialité sont ancrés à l’art. 42 al. 2 LFINMA, relatif à l’assistance administrative de la FINMA avec des autorités étrangères, et auquel renvoie l’art. 42c al. 1 lit. LFINMA.
Principe de spécialité
L’art. 42 al. 2 LFINMA indique que seules peuvent être transmises aux autorités étrangères de surveillance des marchés financiers, des informations non accessibles au public, dans la mesure où ces informations sont utilisées pour l’exécution des lois sur les marchés financiers dont dépendent les assujettis, ainsi qu’à d’autres services étrangers chargés de la surveillance. Toutefois, cette transmission ne peut, en principe, se faire que lorsque les informations sont utilisées de manière exclusive pour l’exécution des lois sur les marchés financiers. De telles informations peuvent également être transmises aux mêmes conditions à d’autres autorités, tribunaux ou organes[10]
Principe de confidentialité
En outre, l’autorité requérante doit être liée par le secret de fonction et le secret professionnel Toutefois, les dispositions applicables à la publicité des procédures et à l’information du public sur de telles procédures sont réservées dans ce cadre-là[11].
La FINMA prévoit néanmoins de publier une liste régulièrement actualisée répertoriant[12] :
- les autorités de surveillance des marchés financiers dont l’aptitude à recevoir l’assistance administrative a été constatée par une autorité judiciaire ; et
- les autorités de surveillance des marchés financiers auxquelles la FINMA a déjà, au préalable, accordé l’assistance administrative sans qu’une décision de justice n’ait été prononcée.
La présence d’une autorité sur la liste doit pouvoir confirmer à l’assujetti que l’autorité en question respecte les principes de spécialité et de confidentialité.
Dans le cas où une autorité ne se trouverait pas sur la liste, la FINMA prévoit qu’il incombe à l’assujetti lui-même d’effectuer les recherches et vérifications nécessaires afin de s’assurer du respect des conditions précitées par l’autorité en question. L’obligation demeure également lorsque des indices suffisants laissent penser que l’autorité, bien que présente sur la liste, n’utilisera pas les informations conformément aux principes[13].
Obligation de déclaration préalable
L’obligation de déclaration préalable de la part de l’assujetti à la FINMA concerne les faits dits « importants ». Elle est ancrée à l’art. 42c al. 3 LFINMA, lequel renvoie à l’art. 29 al. 2 LFINMA.
Selon le Rapport Explicatif[14], cette disposition vise deux objectifs :
- le besoin d’informations de la FINMA, propre à son devoir de surveillance ; et
- permettre à la FINMA de recourir, si nécessaire, à la voie de l’assistance administrative.
La FINMA devra dès lors être informée de toute transmission d’informations dont elle doit avoir connaissance afin de pouvoir exercer son mandat de surveillance.
La Circulaire définit les notions importantes, inhérentes au contexte de transmission de données importantes, ainsi que l’obligation de déclaration préalable à la FINMA. La Circulaire énumère également des exemples d’informations considérées par la FINMA comme devant faire l’objet d’une déclaration préalable[15].
Voie de l’assistance administrative
L’art. 42c al. 4 LFINMA instaure la possibilité pour la FINMA de réserver la voie administrative dans le cadre de la transmission d’informations.
Elle peut opter pour cette possibilité indépendamment de l’art. 42c al. 3 LFINMA, à savoir même lorsque la transmission ne porte pas sur des informations importantes[16].
Dans le cas où la FINMA fait usage de ce droit, la transmission des informations ne peut plus se faire de manière directe, mais devra passer par le biais de l’assistance administrative qui sera octroyée à l’autorité de surveillance des marchés financiers requérante. Il sied de soulever que la réserve de la voie administrative n’est possible que si la FINMA peut, sur le principe, accorder l’entraide[17].
Conclusion
Force est de constater que la Circulaire remplit de manière assez exhaustive ses buts, énumérés ci-dessus.
En raison des nouvelles règles introduites au début de l’année 2016 par l’art. 42c LFINMA, les assujettis bénéficient davantage d’autonomie, ce qui permet d’accélérer le processus d’échange d’informations en évitant de patienter jusqu’à un éventuel accord de la FINMA. Cela permet également d’alléger les procédures administratives.
Néanmoins, la contrepartie à cette facilitation se reflète sur la responsabilité accrue des assujettis dans le cadre de la transmission d’informations. En effet, le texte de l’art. 42c LFINMA restant plus ou moins vague quant à ce sujet, la FINMA rappelle de manière claire à travers la Circulaire l’importance du rôle de l’assujetti.
Reste à savoir si cette responsabilisation importante suscitera ou non des réactions dans le cadre de la procédure d’audition.
Procédure d’audition
L’ouverture de la procédure d’audition concernant la Circulaire a été annoncée par la FINMA le 7 juillet 2016.
Toute personne intéressée est invitée à prendre position sur le projet en adressant ses prises de position par écrit à la FINMA.
La FINMA conseille vivement de faire parvenir dans tous les cas une version électronique des prises de position par courriel ou au moyen d’un autre support de données électroniques.
A défaut d’indication contraire expresse, la FINMA partira du principe que les auteurs de la prise de position consentent à leur publication.
Notre Expérience
lecocqassociate fournit une gamme complète de conseils dans les domaines de la règlementation financière, du corporate, ainsi que dans le domaine des affaires en relation avec la structure et l’incorporation de diverses entités.
Le contenu de cette newsletter a uniquement un but informatif et ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil professionnel. Pour toute question, contactez Me Dominique Lecocq (info@lecocqassociate.com)
Footnote
[1] Communiqué de presse de la FINMA du 7 juillet,
« La FINMA ouvre une procédure d’audition relative
À la circulaire « Transmission directe ».
[2] Circulaire, p. 3, par. 2-4.
[3] Circulaire, p. 3, par. 1.
[4] Circulaire, p. 3-5, par. 5-17.
[5] Circulaire, p. 7, par. 32 et 33.
[6] Circulaire, p. 7, par. 30-31.
[7] Rapport Explicatif, p. 10.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Circulaire, p. 5-6, par. 19.
[11] Circulaire, p. 6, par. 20.
[12] Rapport Explicatif, p. 9-10.
[13] Rapport Explicatif, p. 10.
[14] Rapport Explicatif, p. 12.
[15] Voir à ce propos la Circulaire, p. 9ss, par. 43ss.
[16] Message du Conseil fédéral concernant la loi sur l’infrastructure des marches financiers, FF 2014 7235, 7372; Circulaire, p. 11, par. 73.
[17] Voir à ce propos le Rapport Explicatif, p. 14.