A l’heure où les activités dans le domaine des marchés financiers prennent de plus en plus d’ampleur au niveau international, les demandes d’entraide administrative sont, par la même occasion, en constante augmentation. L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (« FINMA ») étant l’autorité de surveillance des marchés financiers en Suisse dispose d’une compétence que lui procure la loi afin de requérir de la part de ses homologues étrangers les informations dont elle aurait besoin pour faire appliquer les lois régissant les marchés financiers.
Outre ses qualités de meneuse d’enquête, la FINMA est, à l’inverse, très sollicitée par les autorités étrangères de surveillance des marchés financiers lors d’enquête menées par ces dernières. La plupart des demandes sont motivées par des soupçons de délit d’initié, de manipulation de cours, ainsi que l’infraction à l’obligation de déclarer.
L’entraide administrative internationale permet d’établir un trait d’union important entre les différentes autorités de surveillance des marchés financiers du monde. En effet, l’entraide internationale permet l’accès aux marchés financiers des Etats concernés. La volonté de coopération de la FINMA est donc une condition à cette fin. Il ressort en outre de son Rapport annuel pour l’année 2014, que la FINMA a reçu en tout 514 demandes d’assistance administrative (contre 493 en 2013). Les demandes d’entraide des autorités étrangères sont donc en constante augmentation. Au niveau international, la Suisse se classe en troisième position des pays recevant le plus de demandes d’assistance. Ce phénomène s’explique par la place importante qu’elle occupe dans le domaine des services de gestion de patrimoine.
Base juridique et principes
Les articles 42 et suivants de la Loi sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers du 22 juin 2007 (« LFINMA ») traitent de la collaboration de la FINMA avec les autorités étrangères de surveillance des marchés financiers.
Il s’agit des bases légales générales à l’entraide administrative accordée par l’autorité de surveillance à ses homologues de l’étranger.
Ainsi, les dispositions de la LFINMA sont subsidiaires et ne s’appliquent que dans le cas où il n’existe pas d’autres lois spéciales (lex specialis) sur les marchés financiers qui seraient applicables (art. 2 LFINMA; ATAF B-6059/2011 du 7 février 2012, consid. 2).
L’art. 42 LFINMA détaille les aptitudes de la FINMA à requérir une entraide auprès d’une autorité étrangère. C’est ainsi que l’alinéa 1 de ce même article instaure la compétence de la FINMA, en tant qu’autorité requérante. Dans ce cas de figure, la FINMA peut exiger des informations, ainsi que des documents permettant l’application des lois sur le marché financier. L’alinéa 2 édicte quant à lui les règles pour la transmission des informations sur requête des autorités étrangères exerçant la surveillance des marchés financiers dans le pays en question. La FINMA agit ici comme autorité saisie d’une demande d’entraide.
En effet, selon cette même disposition, la FINMA ne peut transmettre des informations et des documents non accessibles au public à des autorités étrangères de surveillance des marchés financiers que dans la mesure où ces autorités sont liées par :
- le secret de fonction ou par le secret professionnel ;
- qu’elles utilisent ces informations exclusivement à des fins de surveillance directe d’établissements étrangers et ;
- transmettent ces informations uniquement à des autorités compétentes, ainsi qu’à des organismes ayant des fonctions de surveillance dictées par l’intérêt public, avec l’autorisation préalable de la FINMA ou en vertu d’une autorisation générale prévue dans un traité international.
A contrario, la transmission de données accessibles au public n’est soumise à aucune restriction légale.
La FINMA garde toutefois le contrôle des informations qui sont transmises à l’étranger par son intermédiaire. Lorsque l’autorité étrangère souhaite retransmettre ultérieurement les informations reçues, elle ne peut le faire qu’avec l’accord de la FINMA et uniquement à des autorités ou des organismes ayant des fonctions de surveillance dictées par l’intérêt public.
Dans le domaine de la surveillance en matière boursière, c’est l’article 38 de la Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (« LBVM ») qui régissent l’entraide internationale. Dans ce cadre, il existe notamment un certain nombre de caractéristiques essentielles qui seront développées ci-dessous.
Entraide administrative internationale en matière boursière
La FINMA doit, depuis son instauration, sans cesse faire face à un nombre de requêtes d’entraide en matière administrative en constante augmentation.
Cadre juridique
Comme cité précédemment, l’entraide internationale en matière boursière est régie en Suisse par l’article 38 LBVM.
Cette disposition définit le rôle de la FINMA lors de l’entraide administrative internationale. Un certain nombre de particularités quant à la procédure sont à mettre en exergue. Elles sont citées ci-dessous :
- L’entraide ne s’effectue qu’entre autorités de surveillance des marchés financiers ;
- La FINMA peut transmettre des informations et/ou des documents non accessibles au public dans le cadre de l’exécution d’une demande d’entraide ;
- Les informations transmises ne peuvent être utilisées que pour la mise en œuvre de la réglementation (étrangère) sur les bourses, le commerce de valeurs mobilières et les négociants en valeurs mobilières ou retransmises ultérieurement à cet effet à d’autres autorités, tribunaux ou organes (principe de spécialitépermettant l’absence d’autorisation expresse de la FINMA pour la retransmission des informations à des autorités pénales dans le but de poursuivre des infractions relevant du droits des marchés financiers) ;
- Le secret de fonction ou le secret professionnel doit lier l’autorité requérante. Il s’agit du principe de confidentialité ;
- Application de la Loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (« PA»). La PA est en effet applicable lorsque les informations susceptibles d’être transmises concernent des clients de négociants. Ceci découle de l’art. 38 al. 3 LBVM. La FINMA devra donc informer le client concerné de la procédure d’entraide et la possibilité pour lui de requérir de la FINMA qu’elle rende une décision de transmission des informations à l’autorité étrangère de surveillance des marchés financiers, laquelle sera susceptible de recours auprès du Tribunal administratif fédéral (« TAF») ;
- Lorsque les informations à transmettre ne concernent pas des clients de négociants, celles-ci peuvent être transmises sans procédure particulière (art. 38 al. 3 LBVM a contrario) ;
- L’entraide doit être menée avec diligence, tout en respectant le principe de proportionnalité (art. 38 al. 4 LBVM) ;
- Le droit de recours contre une décision de la FINMA de porter à la connaissance d’une autorité étrangère de surveillance des marchés financiers certaines informations (délai de recours de 10 jours ; art. 39 al. 5 LBVM).
Demande d’assistance administrative émanant d’une autorité étrangère
La FINMA reçoit en premier lieu une requête de la part de l’autorité étrangère de surveillance des marchés financiers.
Il est judicieux de préciser qu’une grande partie des requêtes adressées à la FINMA concernent des enquêtes portant sur de possibles délits d’initiés ou encore sur des manipulations de cours.
Une fois la requête notifiée à la FINMA, cette dernière procède à un examen des conditions formelles. Elle s’assure notamment que les conditions de spécialité et de confidentialité soient respectées et qu’il y ait un soupçon initial de dérèglement du marché. Lorsque les conditions ne sont pas remplies, la FINMA retourne la requête à l’autorité étrangère pour complément ou correction. En revanche, lorsque les conditions formelles sont remplies et qu’un soupçon initial existe, la FINMA transmet la demande d’entraide au négociant concerné. Il est à noter que, selon la jurisprudence, l’exigence de la FINMA quant à l’admission d’un soupçon fondé ne doit pas être trop élevée, en ce sens que lors du dépôt de la demande d’entraide il n’est pas possible de déterminer si les informations et documents requis seront utiles à l’autorité requérante.
Les négociants apprennent donc par la même occasion l’existence d’une procédure menée dans un Etat étranger. Normalement, la FINMA demande au négociant concerné les mêmes documents et informations que ceux exigés par l’autorité étrangère. Il est important de relever que la FINMA peut exiger des informations allant outre celles requises initialement par l’autorité étrangère.
Obligation de renseigner la FINMA
Lorsque la FINMA enjoint aux négociants de fournir les informations requises, ces derniers ont une obligation d’y donner suite. Cette obligation découle de l’art. 35 LBVM, mais également de la règle générale de l’art. 29 LFINMA. La jurisprudence a également étendu la capacité pour la FINMA de requérir des renseignements auprès des établissements non soumis à sa surveillance, tels que les gestionnaires de fortune indépendants ou les investisseurs privés.
Lors d’une demande de renseignements, la transmission des informations doit s’effectuer de manière très minutieuse. En effet, dans l’un de ces arrêts, le TAF a défini les modalités à respecter :
« […] il appartient en principe à l’autorité de les déterminer, en fonction des circonstances et du type de faits à établir. Elle doit pour ce faire respecter le principe de la proportionnalité. Il en va de la sorte lorsque la FINMA requiert la production des documents nécessaires à l’accomplissement de ses tâches conformément à l’art. 29 LFINMA ».
Dans le même arrêt, le TAF précise de manière claire le principe de proportionnalité :
« […] le principe de la proportionnalité, ancré à l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101), se compose traditionnellement des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et sur le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public […]. De plus, une copie des documents s’avère généralement suffisante; la production des originaux ne devrait être que rarement nécessaire ».
Enfin, la transmission de faux renseignements à la FINMA constitue une infraction pénale (art. 45 LFINMA).
Voies de droit
Lorsque la FINMA se trouve en possession des informations requises par l’autorité étrangère, elle doit faire la distinction entre (i) les informations dites institutionnelles – c’est-à-dire celles ne concernant pas les clients mais uniquement le négociant en tant qu’institut et pouvant être transmises sans formalités procédurales particulières – et (ii) les informations relatives à des clients. En effet, si l’on se trouve dans ce dernier cas, la procédure de recours auprès du TAF sera applicable.
Dans ce dernier cas de figure, l’art. 38 al. 3 LBVM précise que la PA est applicable lorsque les informations susceptibles d’être transmises concernent des clients de négociants. Ainsi, les clients concernés ont le droit d’exiger de la FINMA que celle-ci rende une décision sujette à recours concernant la transmission des documents.
En pratique, le client a la possibilité (tout en sachant qu’il acceptera de collaborer avec la FINMA) de renoncer à la notification d’une décision formelle, ce afin d’éviter tout émolument relatif à la notification d’une telle décision.
Lorsque la décision est toutefois notifiée aux clients concernés, celle-ci peut faire l’objet d’un recours dans un délai de 10 jours auprès du TAF, lequel statue dernière instance (art. 38 al. 5 LBVM ; art. 33 lit. f de la Loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 ; art. 83 lit. h de la Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005).
Les recourants invoquent très souvent comme moyen de droit la violation des principes généraux du droit administratif, ainsi que ceux prescrits par la LBVM elle-même et concluent très souvent à l’annulation de la décision de transmission de renseignements à l’étranger ou encore à sa suspension le temps que de plus amples informations soient communiquées de l’autorité étrangère.
Quelques cas de jurisprudence
L’assistance administrative internationale dans le domaine des marchés financiers a passablement évolué ces dernières années. En effet, la pratique a été explicitée et uniformisée notamment à l’aide de nombreuses décisions judiciaires rendues par le TAF. Voici ci-dessous de brefs résumés de cas de jurisprudence intéressants :
ATAF B-658/2009 du 23 avril 2009
Ce cas traitait du principe de la proportionnalité devant être respecté par la FINMA lors d’une procédure d’entraide administrative (art. 38 al. 4 LBVM). Dans cet arrêt, il est question d’une demande d’entraide adressée par une autorité étrangère investiguant sur de possibles infractions à la loi sur les marchés financiers, en l’occurrence l’utilisation d’une information privilégiée. Les documents exigés par l’autorité étrangère avaient été remis à cette dernière qui avait adressé par la suite à la Commission fédérale des banques (« CFB ») (aujourd’hui la FINMA), une demande de renseignements complémentaires, notamment l’identité du/des bénéficiaire(s) économique(s) du compte en faveur duquel les transactions avaient été effectuées. L’autorité étrangère avait justifié que ces informations lui permettraient d’établir un éventuel lien entre les bénéficiaires économiques des opérations et une éventuelle infraction de la loi relative à l’utilisation d’informations privilégiées. La CFB avait par la suite notifié une décision d’accord de l’entraide contre laquelle le bénéficiaire économique avait recouru en invoquant que l’octroi de l’assistance administrative par la CFB violait le principe de proportionnalité de l’art. 38 al. 4 LBVM.
Le TAF a notamment rappelé que « l’entraide administrative ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par l’Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure étrangère est en principe laissée à l’appréciation de ce dernier » et que « [l]’autorité chargée de se prononcer sur cette question n’est en effet pas tenue d’examiner si les soupçons initiaux de possibles distorsions du marché justifiant la demande d’entraide se révèlent confirmés ou infirmés par les informations et les explications recueillies à la demande de l’autorité requérante […]. La CFB n’avait ainsi pas à vérifier les raisons invoquées par la recourante pour expliquer ces transactions […] ». Le TAF a ainsi conclu que l’octroi de l’assistance administrative internationale ne violait pas le principe de proportionnalité.
ATAF B-1023/2009 du 5 mai 2009
Dans cet arrêt, le TAF a reconnu la qualité pour recourir du gérant de fortune indépendant, lequel s’était opposé à la divulgation de l’identité d’un ayant droit économique d’un compte faisant l’objet d’une demande d’assistance administrative internationale. Le TAF a souligné que, pour reconnaître la qualité pour recourir au gérant de fortune, quatre conditions doivent être remplies :
- Le gérant de fortune indépendant doit être au bénéfice d’un mandat de gestion discrétionnaire établi en la forme écrite, rédigé de manière claire et sans équivoque ;
- La communication des renseignements à l’autorité étrangère doit porter atteinte à la relation de confiance qui existe entre le gérant de fortune et le client ;
- Le gérant de fortune doit pouvoir faire valoir un intérêt propre à recourir ;
- Le gérant doit avoir pris part à la procédure devant la FINMA ou avoir été privé de cette possibilité (art. 48 al. 1 lit. a PA).
ATAF B-5053/2010 du 29 septembre 2010
Dans cet arrêt, le TAF a déclaré irrecevable le recours formé par l’auxiliaire d’un gérant de fortune. Dans le cas d’espèce, ce dernier avait passé des ordres à la salle des marchés de l’intermédiaire financier. Son nom était sur le point d’être transmis à l’autorité de surveillance étrangère. Le TAF avait motivé sa décision de ne pas accorder la qualité pour recourir à l’auxiliaire par le fait que l’employé agissait sous les ordres donnés par son employeur (l’intermédiaire financier) et c’est uniquement ce dernier qui est habilité à gérer les comptes et qui est responsable des décisions d’investissement. De plus, le TAF estime que si une possibilité de recourir est reconnue aux auxiliaires, le cercle des personnes disposant de ce droit serait élargi. La conséquence serait que la procédure d’entraide administrative soit entravée, ce qui est manifestement contraire aux buts fixés tant par la législation suisse que par la législation internationale.
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